Les coups de Coeur de GianPaolo

Hiver, travail et silences

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l'hiver au pays du prosecco
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Hiver, travail et silences

L’hiver au pays du Prosecco

C’est au moment où la dernière feuille tombe, que se termine l’année dans la vigne. Maintenant, elle aussi a droit à un repos bien mérité, dans le silence de l’hiver. En léthargie, elle va préparer sa prochaine renaissance au moment du printemps.

Cette période, qui court tout au long de l’hiver, est source d’introspection. C’est aussi l’un des moments les plus intime de la relation entre l’homme et la vigne. Les oiseaux disparaissent, chaque bruit devient feutré. Seul l’aboiement d’un chien ou le son d’une cloche traverse le silence. A ce moment, le vigneron se retrouve en tête à tête avec chaque pied de vigne et observe son comportement. Il connaît l’histoire des parcelles et peut dès lors en prévoir le futur. C’est le moment de la taille, qui n’est pas la simple coupe d’un sarment mais un temps d’échange entre la plante et l’homme. C’est à ce moment, grâce à la main de l’homme que va s’opérer la transition entre le passé de la plante, son présent et son futur. Les bourgeons laissés, la taille, les pliages faits aux sarments, sont des choix qui influeront sur la qualité des prochains millésimes.
En ces jours de solitude, le vigneron retrouve au travers de ces gestes répétés, l’une des traditions ancestrales de son métier. Ce travail a acquis de nos jours une valeur encore plus grande. Dans les collines de Conegliano et de Valdobbiadene, les méthodes de la taille ont changé. Le geste est devenu plus technique, mieux maitrisé en fait plus individualisé. Il cherche à prendre en compte l’histoire de chaque pied de vigne.

Pour le vigneron, le travail se fait sans relâche. Si le froid se fait trop vif, la pause s’impose à l’extérieur. Dès lors une autre activité prend la relève la préparation de la charcuterie. Une tradition toujours bien marquée par nos collines. Saucissons, jambons, lards, la fameuse « sopressa » de Treviso sont au programme. Au petit matin, le four est allumé puis s’enchaineront les étapes de broyage et d’embossage. C’est une journée de gros labeur qui apporte en même temps beaucoup de joie par les chants entonnés, les blagues qui fusent le plus souvent en patois vénitien. C’est aussi une bonne occasion de déguster toujours raisonnablement, quelques bonnes bouteilles tirées de la cave pour l’occasion.

L’hiver au pays du Prosecco

Au caveau, le vin se repose en attendant la mise en bouteille et une nouvelle vie auprès d’un détaillant ou d’un consommateur. Pendant tous ces jours notre vigneron, vinificateur ne perd jamais de vue ses cuves. Par le robinet ou avec sa pipette, il goute pour tenter de saisir la trajectoire des vins en fonction de leurs évolutions. Il lui arrive de décider de transvaser une cuve pour permettre un apport d’oxygène ou décide de maintenir le vin de base sur lie fine jusqu’au dernier moment pour bâtir la future texture de son Prosecco.
Cette étape et ces choix font également partis de moments intimes et personnels. Presque un temps de gestation dans l’attente du grand jour, celui de la première mise en bouteille. Pour certains, chaque cuve correspond à une zone dont les caractéristiques sensorielles diffèrent en fonction du type de terrain, en fonction de l’altitude ou tout simplement du type de vent qui souffle sur la parcelle. Ainsi les cuves auront des personnalités diverses, autant d’ingrédients qui valoriseront la cuvée finale. Le travail dans ce cas se rapproche de celui d’un chef en cuisine. Le savoir faire et le talent se placent dans la capacité à imaginer les perceptions au nez comme en bouche quand viendront s’ajouter les futures bulles. Une opération faite presque en rêvant, pour imaginer ce qui sera…

Si vous passez un jour par les collines de Conegliano et Valdobbiadene, arrêtez-vous un moment le long de la route, regarder simplement le vignoble et repérer au milieu des vignes, cet homme solitaire, silencieux, le sécateur à la main. C’est lui l’acteur de premier rôle.

Gianpaolo Giacobbo
Gianpaolo Giacobbo
Journaliste, dénicheur de bonnes adresses et surtout passionné d’oenologie.
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